Le burelain by Richard Jorif
Auteur:Richard Jorif [Jorif, Richard]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2876860376
Éditeur: Éditions Françoise Bourin
8
Beaucoup sâen fallait que Frédéric eût lâencolure dâun grand chasseur de croupes. Il lui arrivait bien de suivre quelques derrières dont lâondulante gaieté lâavait ému : câétait par pur réflexe et sans esprit de conquête. Aborder une femme, la circonvenir de niaiseries éculées dans le seul dessein de goûter avec elle quelques instants de démence vénérienne, rien que dây penser, son cÅur breloquait.
Quand il se sentait dâhumeur priapique, plutôt que dâaller en garouage, il entrait dans certaine brasserie proche de lâHôtel de Ville, sâasseyait à la place quâil sâétait assignée, et attendait que Françoise, la serveuse dont les douces privautés lui étaient acquises, lui apportât son demi de diabolo-menthe. Elle souriait en lui glissant une clé par-dessous son plateau : monte et attends-moi ; ou elle faisait non de la tête : ce nâétait pas le jour.
Françoise jouissait dâune chambre bien ordonnée â « jâai le goût du ménage », disait-elle â avec pour appendicules une claire cuisinette, une douche, un petit rangement. Il sâallongeait, et le plus souvent sâendormait ; un tambourinement très appuyé lâéveillait en sursaut. Elle apportait toujours de quoi confectionner un dîner dâamoureux, et ne haïssait pas que pendant quâelle sây employait Frédéric fît la frime de lui patiner les fesses : comme au cinéma, pouffait-elle.
Ils ne sâaimaient pas à outrance : le matin, Françoise prenait son service à lâheure où les véhicules de lâhygiène municipale projettent sur la chaussée une onde sanitaire. Frédéric rentrait chez lui repu de mots câlins mais de petite étoffe.
Il disposait dâautres ressources : une serveuse, encore, rue Montorgueil ; une petite vendeuse de fruits, exposée aux vents coulis et aux quolibets graveleux, qui ne la laissaient pas sans repartie ; une coiffeuse mal coiffée, enlaçante, caressante.
Elles avaient pour ce garçon de bonne mise et de si propre langage, et quâelles croyaient attentif à leurs propos bénins, une grande retenue de paroles, non de gestes, car il nâavait pas scrupule à se laisser faire, mais il ne les payait pas de retour.
Bien sûr, elles fréquentaient dâautres hommes, dâune virilité plus accusée, fiers lapeurs et malaxeurs éloquents, construits sur le même patron, farauds, tyranniques, bêtes à tiercé abreuvées dâhistoires « juives » et de doubles pastis. Frédéric,, câétait lâoasis, ce que Nathalie, la coiffeuse, avait, un soir, tenté dâexprimer tout en lui foupissant lâagaric champêtre.
â Tu es⦠comment dire ?
â Rafraîchissant ?
â Ce nâest pas le mot que je cherchais, mais câest pas mal⦠oui, câest ça, tu es rafraîchissantâ¦
Ces « braves filles » sans grand mystère ni minauderies nâinspiraient pas à Frédéric lâenvie de les mieux connaître. Sans doute les aurait-il fuies si, à la faveur du blême abandon qui suit lâacte vénérien, elles sâétaient mises à débiter leur vie. Il les possédait, ou plutôt il se laissait prendre par elles les yeux fermés, et ses mains qui les pressaient à peine ne gardaient pas la mémoire de leur peau.
Elles se trompaient quand, sâétonnant quâil ne fût pas marié, elles avançaient quâil « méritait mieux quâelles », une femme pleine de
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